Tchad : Quelles leçons tirer de la succession du Maréchal Ibriss Deby Itno?

Intro

Le Mardi 20 avril 2021, en annonçant à la Nation et au Monde la mort, dans des circonstances non encore éclaircies, du Maréchal Idriss Deby Itno, Président du Tchad depuis 1990, le porte-parole de l’Armée a en même temps annoncé la création d’un Comité Militaire de Transition (CMT) instance qui, désormais, exercera tous les pouvoirs d’état. Il a été en outre procédé à la suspension de la Constitution, à la dissolution de l’Assemblée Nationale et à la démission du Gouvernement. Dans le même communiqué, le Général Mahamat Deby Itno, fils du défunt président, était présenté comme étant le Président de ce CMT et donc ipso facto Chef de l’Etat et Commandant en Chef des armées. Une rhétorique bien connue pour annoncer un Coup d’état militaire.

 

En 2020, au Mali voisin du Tchad et plus en guerre que lui car l’armée tchadienne y  est déployée, d’autres officiers avaient annoncée, dans les mêmes termes mot à mot, leur prise du pouvoir. Aussitôt après, toute la Communauté Internationale, à commencer par la France et dans son sillage l’Union Africaine, avaient dénoncé ce coup d’état et exigé le retour à l’ordre constitutionnel. Les sanctions furent prises et les pays de la région, regroupés dans la CDEAO, avaient même mis le Mali sous embargo. Finalement une solution de compromis fut trouvée. Les militaires se mettaient en retrait laissant les civils diriger une transition qui va durer 18 mois, à la fin de laquelle des élections seront organisées et dans lesquelles le chef de la junte ne serait pas candidat.

 

Pour le Tchad, presque tout le monde a cru que les réactions seraient les mêmes et que la France et la Communauté Internationale dénonceraient ce coup d’état familial et exigeraient le retour à l’ordre constitutionnel ou tout au moins couperaient la poire en deux comme pour le Mali en 2020.

 

Mais connaissant la France actuelle et ses contradictions dont elle est experte pour les présenter comme des “idées de génie”, nous avons émis des doutes. Voici ce que nous écrivions le 21 avril 2021 dans Echos d’Afrique :

“Dans ce cas précis, la France est confrontée à un double dilemme. En effet le fils d’Idriss Deby qui est général, vient de suspendre la Constitution, de dissoudre l’Assemblée nationale et de démettre le gouvernement. Il préside un Conseil militaire qui doit gérer le pays pendant au moins 18 mois avant d’organiser des élections. Alors que la Constitution précise que, en cas de vacance du pouvoir du Président, c’est le président de l’Assemblée qui assure l’intérim pour organiser de nouvelles élections dans les 90 jours maximum. Bref, un Coup d’Etat en bonne et due forme. La France doit-elle ou peut-elle condamner ce coup d’état comme elle est prompte à le faire sous d’autres cieux ? Nous en doutons ! “ 

 

Non seulement la France n’a pas dénoncé cette prise du pouvoir en violation de la Constitution par le fils d’Idriss Deby, mais elle lui a apporté son soutien le plus ferme et a invité les pays sous sa protection d’en faire autant. Voici ce que dit la dépêche de RFI qui a couvert la visite d’Emmanuel Macron à Ndjamena pour les obsèques d’Idriss Deby vendredi 23 avril 2021.

 

« La France sera également là pour faire vivre la promesse d’un Tchad apaisé », a-t-il poursuivi, en appelant le Conseil Militaire de transition (CMT) dirigé par le jeune général Mahamat Idriss Déby, qui a promis des « élections libres et démocratiques dans 18 mois », à promouvoir la « stabilité, l’inclusion, le dialogue, la transition démocratique».

 

Leçons à tirer 

 

1. Comme Africain

 

Plus que jamais, l’africain devrait comprendre que les beaux principes (démocratie, état de droit, respect des droits de l’homme…) que la France et les Occidentaux en général prêchent, sont à géométrie variable et chaque attitude est justifiable le moment opportun avec moult arguments qui se foutent des principes longtemps prêchés. Seuls leurs intérêts passent avant les beaux principes moraux.

 

2. Comme Rwandais

 

Le Rwandais notera que c’est plutôt la France qui a tiré les leçons de son expérience malheureuse au Rwanda.

 

La France sait désormais que sacrifier et trahir l’allié jusqu’à lui faire perdre une guerre injuste et imperdable en situation normale, affaiblit la France et la rend à la merci du vainqueur car elle est aussi vaincue et doit donc en répondre politiquement et moralement devant l’Histoire.

 

Le chantage que le dictateur du Rwanda Paul Kagame exerce sur la France fait partie du prix qu’elle a consenti à payer pour expier les effets de sa trahison envers le régime républicain et démocratique ayant abouti à sa défaite militaire au Rwanda entre 1990 et 1994.

 

Voilà pourquoi désormais la France se débat plus à trouver des justificatifs à ses contradictions, mais ne tient plus à être du camp des vaincus éventuels où elle s’est militairement  engagée  comme ce fut le cas au Rwanda, car elle en payerait beaucoup plus cher.

 

Emmanuel Neretse

 

 

 

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