Rwanda : Assassinat du Dr Fabien Twagiramungu et autres exécutions extra-judiciaires

Assassinat du Dr Fabien Twagiramungu simulé en accident**

 

Des sources documentées font le lien direct du meurtre de Ntwali  avec son enquête sur le décès du Docteur Fabien Twagiramungu, un autoentrepreneur dont le décès survenu le 31 mars 2021 aurait été simulé en accident de voiture. Le journaliste John Williams Ntwali aurait enquêté et découvert les auteurs et les co-auteurs de cet assassinat. Le sujet étant particulièrement sensible et dangereux pour sa sécurité,  il aurait cherché à diffuser les résultats de son enquête à partir de l’extérieur  lorsqu’il est décédé. Un jugement controversé dans lequel de blocages de l’enquête sur les personnes impliquées dans l’assassinat a été rendu contre Kamuronsi Yves chauffeur responsable du décès alors que les faits montreraient plutôt qu’il s’agit d’une élimination dont il n’est qu’un des acteurs. Ce chauffeur a été condamné à deux ans avec sursis au 1er degré (Tribunal de Grande instance de Gasabo). Il avait fait une analyse dans une émission sur PaxTV–Ireme News en ligne.

 

Dans cette analyse, il souligne que plusieurs personnalités dont ses avocats et certains membres du régime demandaient une enquête approfondie; il soulignait la modification inexpliquée des chefs d’accusation dans les procédures d’audience et la disparition des témoignages dans le dossier et le refus du tribunal de mener une enquête demandée par l’avocat des parties civiles. Le Ministère public a refusé aussi que cette enquête soit menée et a plaidé à décharge pour l’accusé. Le procès aurait été clôturé le jour inhabituel pour les audiences en l’absence des parties civiles.

 

Les gens se demandaient qui étaient derrière ces blocages dans le procès. Quels étaient les résultats de l’enquête qu’aurait faite le journaliste Ntwali John Williams pour qu’il soit impératif de parler? Les suspicions dans les émissions de John Williams Ntwali pointent aussi du doigt les amis du Dr Fabien Twagiramungu qui étaient parrains de ses enfants et coassociés dans une entreprise initiée par le Dr Fabien Twagirayezu. Bien plus les médias en ligne impliquent aussi dans cet assassinat le système de gouvernance du FPR sous la haute direction du secrétariat général.

 

Une note de situation détaillée sera faite par l’ODHR sur les péripéties de ce dossier.

 

D’autres situations manipulées concernent aussi bien les personnes tuées ou torturées en détention que les disparitions forcées

 

Les exécutions extrajudiciaires

 

Plusieurs cas documentés ou non  très connus ont fait l’objet de rapports ou d’articles  des médias ou des organisations de défense des droits humains. Il s’agit notamment des assassinats de Kizito Mihigo  et de l’avocat Mutunzi Donat tous deux simulés en suicide alors qu’ils étaient détenus à la station de Police dans le District de Gasabo. Il s’agit aussi de l’assassinat du Dr Emmanuel Gasakure dont la police simulé en tentative d’agression d’un policier à la station de police de Remera dans le District de Gasabo où il était détenu. La liste est longue.

 

D’autres situations concernent des individus sans passé politique ou militant. Ils ne demandaient qu’à vivre tranquillement où à être protégés au vu de leur situation sociale ou judiciaire. Ce sont notamment :

 

* Twiringiyimana Jean de Dieu arrêté puis abattu à bout portant par l’armée rwandaise à Murehe/ secteur Muyumbu dans le district de Rwamagana. C’est un cas couvert et rapporté par le journaliste Cyuma Hassan Dieudonné Niyonsega injustement condamné à sept ans de prison. Il était un simple citoyen sans histoire connu.

 

* Cinq prisonniers abattus par la police  à la station de police de Kirehe à Nyarubuye en date du 28 avril 2021. « Ces détenus avaient fait l’objet d’un transfert à cette station de police dans l’attente de leur procès.  Les médias locaux ne donnent pas beaucoup de détail sur ce meurtre de cinq prisonniers[6].

 

* Très récemment, le 03 avril 2023, l’assassinat d’un certain  Dusabe Albert  de Muhanga semble aussi rentrer dans le même cas. Ce meurtre d’un présumé criminel en détention a créé des doutes sur les mobiles d’assassinat et les vrais criminels du Dr Muhirwe Karoro Charles. Le Dr Muhirwe Karoro Charles était professeur à l’Université du Rwanda, campus de Nyagatare, et résidait au Village Musengo, Cellule Kivumu, Secteur Cyeza dans le district de Muhanga. Son meurtre a été commis le 02 avril 2023 à Muhanga.

 

* Mr Dusabe Albert, 28 ans, était détenu à la station de police et a été tué vers 04 heures du matin sous prétexte qu’il aurait voulu s’en prendre au policer pour s’évader au moment où il allait lui montrer la cachette de l’arme du crime. L’aspect du moment de l’enquête à 4h00 du matin et la justification de tuer le détenu semble suspect à ce niveau. Ce qui remet en cause aussi la  culpabilité du détenu dans les deux cas, la tentative d’évasion et le fait volontaire de plaider coupable.  La situation n’est pas claire dans le dossier d’assassinat du Dr Muhirwe Karoro Charles. Des zones d’ombres persistent et, sauf si une enquête indépendante est décidée, on ne saura jamais les vrais mobiles et par qui le Dr Muhirwe Karoro Charles a été assassiné.

 

* Mme Mujawayezu Madeleine, une rescapée du génocide qui était fonctionnaire du district de  Kamonyi dans la Province du Sud a été assassinée le 30 janvier 2023 à Kanyinya dans la cellule de Remera, secteur de Rukoma du district de Kamonyi. Une personne du nom de Daniel Kubwimana (33 ans) a été arrêtée pour son implication présumée dans cet assassinat. Ce qui est paradoxal c’est qu’il a été tué aussi par la police à 04H00 du matin lorsqu’il était emmené, justifie la police,  pour montrer les effets qu’il aurait volés chez sa victime. Le policier aurait abattu en tentant de s’évader pendant le trajet.

 

Comme dans le cas du Dr Muhirwe Karoro, on dirait que quelqu’un s’évertue à bloquer l’enquête en tuant systématiquement les présumés auteurs de ces assassinats pour que les enquêteurs ne découvrent pas le commanditaire et les mobiles des crimes.

 

Dans plusieurs cas documentés comme dans les cas de Kizito Mihigo, ou d’autres qui ont fait l’objet de déclaration et de dénonciation, aucune contre- enquête officielle n’a été publiée jusqu’à présent. La tendance actuelle est de déformer la qualification des contextes en orientant les faits sur l’usage excessif de la force par la police dans le cas des meurtres des personnes en détention dans les stations de police.

 

Ces façons de mener l’enquête à des heures reculées de la nuit et d’inventer les prétextes pour tuer les détenus aux mains de la sécurité jettent un discrédit sur les enquêtes menées par la police et la justice.  Ces façons d’éliminer les détenus créent la méfiance des gouvernés vis-à-vis des organes de justice. Aucune enquête crédible ne suit pour voir réellement si la personne arrêtée où éliminée a commis réellement le crime lui  imputée. Dans des situations pareilles, la tendance au sein du public est que ces assassinats sont simulés pour des motifs inavoués par le système.

 

Les disparitions forcées suivies ou non d’assassinat

 

Plusieurs situations plutôt connues sont notamment les disparitions forcées pour lesquelles des rapports des organisations de défenses des droits de l’homme ont demandé des enquêtes sans succès. Pour certains autres, les familles ont peur de rapporter les disparitions des proches lorsqu’ils sont emmenés par des forces de sécurité ou par les autorités par peur pour leurs propres sécurité.

 

Mme Iragena  Illuminée (enlevée le 26 mars 2016), Twagirimana Boniface (enlevé de la Prison de Mpanga le 07 octobre 2018), Eugène Ndereyimana (disparu le 15 juillet 2019), et beaucoup d’autres, tous membres de l’opposition,  Anselme Mutuyimana (tué le le 09 mars 2019) du FDU Inkingi, Habarugira Damascène du FDU Inkingi tué en mai 2017, Syridio Dusabumuremyi, le coordinateur national du FDU-Inkingi (tué en septembre 2019) ont fait l’objet de rapport par les organisations de défense des droits humains et des missions diplomatiques sans succès.

 

D’autres personnes membres ou non de la société civile  sont portées disparus et des réactions réclamant les enquêtes impartiales et indépendantes sont restées sans réponses ou ont reçus des réponses évasives de la part du gouvernement rwandais. Il s’agit notamment:

 

* Du poète Bahati Innocent n’a pas été vu depuis le 07/02/2021. Sa disparition a été signalée au RIB le 09 février 2021. Cette disparition a été dénoncée par les médias et des associations de défense des droits de l’homme de la diaspora rwandaise et des organisations internationales de défense des droits humains dont Le PEN International et HRW . HRW (voir Rwanda : Des vidéos publiées sur YouTube entraînent des arrestations et des poursuites judiciaires | Human Rights Watch (hrw.org) a communiqué cette disparition à Busingye Jonhson alors ministre de la Justice au Rwanda mais rien n’a été fait. La réaction n’est venue qu’après une année à la suite d’un appel fait à travers une lettre ouverte signée par plus de 300 écrivains du monde entier (Un poète porté disparu dans l’indifférence des autorités | ACAT France). Cette lettre était adressée au Président Paul Kagame le 07/02/2022 par Le PEN International. A la suite de la lettre, le Bureau Rwandais d’investigation (RIB) a réagi dans les médias en accusant Bahati Innocent « d’avoir des  liens avec des mouvements hostiles au gouvernement[7] » et pour brouiller les pistes qu’il serait parti en Ouganda et que là aussi il aurait bougé pour un autre pays non précisé.

 

* De Ndamira Jean de Dieu disparu le 09 mars 2018 est resté introuvable. Il était parti de Nairobi à Kigali pour renouveler son passeport. Il publiait ses souvenirs sur Facebook. Jean de Dieu Ndamira avait autour de 40 ans. Il était originaire de Kimisange dans la Ville de Kigali et résidait à Nairobi au Kenya[8]. Aucune réaction des autorités rwandaises n’a été enregistrée jusqu’à présent sur ce cas.

 

* Kavenya Emmanuel Kanguka est fils d’un ancien journaliste du nom de Hangimana François Xavier. Il était actif sur Facebook et faisait des réactions sur certaines situations au Rwanda. La propriété de son grand-père paternel a été occupée par force par un colonel de l’APR devenu Rwanda Défense Force. Ce dernier n’a jamais voulu céder le terrain occupé par force jusqu’aujourd’hui (depuis plus plus de 27 ans).  “La dernière communication avec son épouse daterait de fin mai 2021. Elle a signalé la disparition de son mari à la police de secteur de Nyarubaka dans les premiers jours de juin 2021[9]».   L’ODHR a fait une déclaration à ce sujet qui a été envoyée au Ministère de la Justice par mail  avec copie à la Commission Nationale des droits de la personne au Rwanda mais aucune réaction n’a été eregistrée jusq’à présent.

 

* Matuje Aphrodis : le cas de Matuje Aphrodis est particulièrement long et constituent un cas de harcèlement assez particulier d’enlèvement et de détention illégale, de torture et d’actes de traitement inhumains. Il est disparu quatre fois  à moins de 10 ans et à chaque fois, il se retrouvait caché et torturé dans les locaux des services de sécurité rwandaise. Il  était relâché après un temps particulièrement long par la police sans faits justifiant la détention. La première fois il était étudiant à l’université où il a fait objet d’arrestation secrète par la police. Il a fait 8 mois de détention. Il a été libéré par le tribunal. Il a perdu une année d’étude pour le fait d’être en contact avec un membre de la diaspora et opposition en exil. La seconde fois quand il a été enlevé le 14 juillet 2018, il était directeur d’une école. Il a fait plus de trois ans enchaîné en secret et sous la torture : pieds enchaînés sur un crochet en haut au mur avec un cadenas, dans une pièce obscure au camp Kami : corps torturé, partie du corps déchiquetée, ongles enlevés, aucune sortie pour voir le soleil, affamé, un verre d’eau par jour, etc. Quand il est sorti le 14/09/2021, son épouse avait abandonné ses enfants chez la mère de Matuje. Il lui avait été dit qu’il était mort et elle s’était remariée.

 

La troisième fois, le 25 février 2022,  il a été enlevé lorsqu’il voulait sortir du pays avec ses deux enfants en bas âge. Il s’est retrouvé enfermé en secret dans une station de police à Remera dans le district de Gasabo. Les associations des droits de l’homme et les médias de la diaspora en exil ont immédiatement dénoncé la situation. Ils ont été libérés après avoir subis des tortures physiques et morales le 25/03/2022, après avoir écrit une lettre demandant pardon à Dan Munyuza Commissaire National de police.

 

Selon son témoignage, il lui avait été demandé de coopérer avec la police. Dans son interrogatoire, la police voulait qu’il témoignage à charge contre Nsabimana Callixte du FLN et de renseigner sur un opposant politique de la diaspora Nahimana Thomas; ou (1) Nashimuswe n’abasirikare mfungirwa Ikami nziritse amaguru n’amaboko imyaka 3 nzira kwanga kugambana – YouTube :notre traduction : j’ai été enlevé par les militaires et incarcérés à Kami, enchaîné aux pieds et aux bras durant trois ans parce que j’ai refusé de coopérer dans  complot/deal). Il a reçu un dernier avertissement après avoir écrit la lettre pour être libéré avec les enfants. Qu’il sera éliminé s’il est arrêté la fois suivante. Au lieu de coopérer avec la police, il a plutôt préféré dénoncer la situation sur les antennes d’une chaine de radio en ligne Umurabyo TV appartenant et animé par la journaliste Uwimana Nkusi Agnès

 

La quatrième fois, depuis le 26/05/2022, il est porté disparu. Aucun signe de vie pour ses proches et ses amis. La famille a peur d’en parler pour sa sécurité.

 

Autres situations inquiétantes d’atteintes au droit à la vie !

 

Souvent des personnes sans passé politique ou militant sont aussi arrêtées par les autorités militaires  et civiles et ne réapparaissent plus jamais. Les familles n’ont jamais de nouvelles ni de leur détention ni de leur décès. Dans le rapport de HRW publié le 16 mai 2014, des   dizaines de personnes ont été arrêtées et aucunes nouvelles de leur détention n’a été fournies à leur proche ; voir Rwanda : Vague de disparitions forcées | Human Rights Watch (hrw.org). Ce sont ceux qui ont pu être identifiés. Les familles ont peur de rapporter les arrestations arbitraires pour ne pas s’attirer les foudres des autorités du régime.

 

Ces derniers temps au cours de l’année 2023, plusieurs meurtres sont commis et il y a lieu de  s’inquiéter à cause de l’ampleur de ces meurtres. Plusieurs dizaines de corps des personnes inconnues ont été signalés et pêchés (autour de 50 corps) dans un lac auprès du barrage de Gashaka,  au village de Kanyamashashi dans la cellule de Rugendabali, du secteur de Mukarange, dans les environs de Kayonza dans la province de l’Est. Les personnes locales ont signalé la découverte de nombreux corps (non encore détériorés) repêchés ou non dans l’étang ou lac (dont le nom n’est pas indiqué) sur des antennes des médias BTN TV Rwanda rediffusé dans l’émission de Jean Paul Turayishimiye sur East African Daily intitulé « Impamvu Imirambo Myinshi Mu Ikiyaga i Kayonza Babeshya ko ari Iya Jenoside?! M23 Yateguje Intambara – YouTube » (voir vidéo Youtube à partir de la 55ème minute» notre traduction littérale: les raisons pour lesquelles on ment que plusieurs corps dans un lac à Kayonza appartiennent au génocide ? le M23 prévient une guerre-youtube) qu’un véhicule non identifié les aurait amenés et jetés dans ce lac. Dans le reportage, des témoignages des populations locales indiquent que les traces de passage du véhicule étaient visibles, que quelques temps précédents, une personne conduisant un véhicule s’était informé sur cet endroit.

 

L’on constate peu de réactions des autorités dans cette situation. C’est une affaire à suivre qui fera l’objet d’un monitoring particulier par l’ODHR. Un cas pareil a eu lieu et des dizaines de corps ont été retrouvés dans le lac Rweru (voir Cadavres du lac Rweru: l’UE demande des explications (rfi.fr). Le gouvernement rwandais s’est empressé de dire que les corps non identifiés provenaient du Burundi voisin parce que le lac sert de frontière des deux pays.   Le Burundi aussi a nié la provenance de ces corps sur son territoire. Ces corps n’ont jamais fait l’objet d’investigations indépendantes pour déterminer la provenance et les responsabilités. Depuis la prise du pouvoir par le FPR, beaucoup de personnes ont disparu et leur sort est resté inconnu.  Leurs familles ne doutent aucunement de leurs sorts et connaissent les personnes qui les ont emmenées mais sont terrorisées pour ne pas dire la vérité et continuer de réclamer la vérité et la fin de l’impunité dans le cas de leurs proches.

 

L’ODHR réitère sa demande d’enquête indépendante et transparente pour établir les responsabilités dans la mort du journaliste John Williams Ntwali et des situations relatées ci-haut. Il  renouvelle sa demande d’enquête indépendante de manière générale sur des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées, et de manière particulière sur des cas cités dans le présent document.

 

Pour la Coordination de  l’ODHR

Laurent Munyandilikirwa, Président

 

**Extrait du rapport de l’Observatoire des Droits de l’Homme au Rwanda (ODHR) du 18/4/2023

 

Intégralité du rapport

 

Note de situation sur le droit à la vérité au Rwanda

Notes

[6] » Voir L’Observatoire des Droits de l’Homme au Rwanda (ODHR) dénonce les exécutions sommaires continues et institutionnalisées au Rwanda. – La Tribune franco-rwandaise (france-rwanda.info

[7] Voir Rwanda: le poète porté disparu Innocent Bahati est parti en Ouganda, selon les enquêteurs (rfi.fr)

[8] Voir OBSERVATOIRE DES DROITS DE L’HOMME AU RWANDA (ODHR) : ALERTE ET APPEL URGENT SUR LA DISPARITION DE JEAN DE DIEU NDAMIRA – (over-blog.com)

[9] Rwanda : Disparition forcée et impunité : Toute une année que la famille de Kavenya Emmanuel Kanguka attend un signe de vie de sa part ou de ceux qui l’ont enlevé ! – (over-blog.com)

 

 

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