Rwanda : Un vrai et sincère dialogue pour la refondation de l’Etat-Nation s’impose
- DE LA NECESSITE DU DIALOGUE VERITABLE ENTRE TOUS LES RWANDAIS
Les initiatives pour un dialogue inter-rwandais ont été tentées à plusieurs reprises par de nombreux associations et groupements de Rwandais. La dernière en date est celle dont le Professeur Charles KAMBANDA est le Porte-parole. Toutes correspondent manifestement à un besoin réel et à une aspiration profonde de la grande majorité de Rwandais face à l’impasse devant lequel se trouve le Rwanda et ce, depuis plusieurs générations.
En effet, qu’on le veuille ou pas, ce RWANDA-là, notre patrimoine commun a, depuis plusieurs siècles, failli à sa mission première d’être un Etat-Nation qui rassemble, protège et rassure tous ses citoyens ; un Etat-Nation où les composantes de sa population : Hutu, Tutsi et Twa, sont égaux devant la loi et ont les mêmes droits et devoirs. Le vrai défi auquel le pays est confronté est bien celui-là : la faillite de l’Etat-Nation. Tout ou presque est à refonder au Rwanda. Le reste n’est que prétexte ou raccourci facile.
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Et si ces initiatives de dialogues inter-rwandais, dont la plus évoluée fut celle ayant conduit à la signature des Accords d’Arusha (Tanzanie) en 1993-1994, n’ont abouti à rien de concret, c’est probablement parce que l’on a interverti les priorités. A Arusha, le dialogue a principalement porté sur le partage du pouvoir, alors que le vrai défi pour le vivre-ensemble viable, durable, équitable et productif pour tous les Rwandais s’avère être la REFONDATION DE L’ETAT-NATION AU RWANDA. Voilà pourquoi il importe de capitaliser sur toutes les leçons apprises de ces dialogues inter-rwandais ratés pour éviter de rééditer les mêmes erreurs dont, entre autres, l’amateurisme, la duplicité, l’égoïsme, le manque de patriotisme, etc.
- L’ETAT-NATION AU RWANDA, UNE PRIORITE DES PRIORITES A RECONQUERIR.
L’histoire du Rwanda est faite de déni de la réalité. De la peur de l’autre entre voisins, à la peur de l’autre entre Hutu et Tutsi, peurs qui s’expriment par des violences politiques gratuites à répétition, soldées par des massacres de populations civiles en masse qui n’en finissent pas. Des milliers de Rwandais ne se rendent pas encore compte que l’on est devant une impasse abyssale. A ce niveau-ci, contrairement à ce que disent certaines personnes que l’on pourrait qualifier d’inconscients agités, tout le monde est perdant.
Pourquoi en sommes-nous là ? Pour nul doute, parce que le Rwanda a cessé, depuis fort longtemps, d’être un Etat-Nation qui protège tous ses citoyens et où le vivre-ensemble entre ses populations est un principe sacré et, où surtout tous les citoyens sont égaux devant la loi.
Le constat est que ces droits légitimes et aspirations profondes furent tragiquement niés et privés aux Rwandais. Les occasions ratées ne se comptent plus :
(i) durant le long règne de la dynastie NYIGINYA qui considérait la population majoritaire Hutu comme les citoyens de second rang et donc corvéable à merci ;
(ii) durant les troubles sociales de 1959-1960 suivis de l’exil des Tutsi suite au refus catégorique opposé par des dirigeants suprémacistes tutsi aux Hutu qui réclamaient plus de justice et d’égalité ;
(iii) durant l’échec des négociations, entre 1962 et 1990, pour le retour pacifique des réfugiés tutsi ;
(iv) lorsque les réfugiés tutsi décidèrent de rentrer par la force dans leur pays alors que les pourparlers pour leur retour pacifique étaient en cours ;
(v) lors de l’assassinat le 6 avril 1994 du Président Habyarimana et son homologue Burundais, mettant ainsi un terme à la mise en œuvre des Accords de Paix d’Arusha que le même feu Président Habyarimana venait de signer ;
(vi) par le génocide contre les Tutsi perpétré par les milices Interahamwe bien encadrés par ce que Judi Rever appelle « la cinquième colonne tutsie » (lire Judi Rever, Rwanda, l’éloge du sang, p.147-165) et les Hutu extrémistes suite à l’assassinat du Président de la République rwandaise.
(vii) par le massacre en masse de populations hutu, perpétré par les troupes du FPR/RDF à Byumba avant avril 1994, à travers tout le pays entre 1994 et 1998, dans les forêts de la RDC au cours de l’opération visant l’extermination des Hutu appelée « Punguza waginga » ou l’accomplissement, par le même FPR/RDF, du génocide contre les Hutu ;
(viii) à travers la persécution et l’assassinant par le FPR/RDF des réfugiés hutu dans les pays qui les ont accueillis et,
(ix) par le déni de tout ce qui est état de droit appliqué par le régime actuel du FPR. Dans notre cher Rwanda, en effet, ce ne sont plus les lois qui sont appliquées mais plutôt « AMABWIRIZA » – instructions édictées par un chef ou des responsables politiques et administratifs parfois non identifiés ; etc.
(x) Rien que par ce mode de gouvernance, l’on se rend bien compte que le Rwanda est devenu un Etat-voyou, une jungle, une sorte de mafia politico-administrative qui terrorise, torture, kidnappe, tue et spolie en toute impunité les Rwandais qui contestent cette injustice et cette anarchie. A cela s’ajoute la déstabilisation des pays voisins ainsi que le pillage des ressources naturelles de la République Démocratique du Congo (RDC) en violation fragrante des lois, règlements et conventions internationaux dont le Rwanda est pourtant signataire.
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Tous ces faits, gestes et bien d’autres prouvent à suffisance que le VIVRE-ENSEMBLE viable, durable, équitable et productif entre la population rwandaise composée de HUTU, de TUTSI et de TWA n’est plus. Ce faisant, le Rwanda, en tant que ETAT-NATION pour ces trois groupes sociaux (Hutu, Tutsi et TWA) est tombé en faillite. Voilà pourquoi le dialogue inter rwandais que le Professeur Kambanda – à la suite de tant d’autres initiatives tentées – a appelé : « Plateforme pour le bien des rwandais » (Urunana ruharanira ineza rusange y’Abanyarwanda), devrait se focaliser sur « la refondation de l’Etat-Nation au Rwanda ». Si les Rwandais ne veulent pas continuer à s’entretuer, la priorité des priorités, c’est bien celle-là. Tout ou presque est à revoir ou à réécrire pour être placé dans un nouveau cadre pour le bien de tous les Rwandais. Nous pouvons notamment signaler : l’histoire du pays, l’état de droit, les fondements du vivre-ensemble entre les Rwandais, l’organisation du pouvoir politique et administratif, le secteur de la justice et des forces armées, l’organisation sociale et culturelle dont le secteur de l’éducation, le partage des richesses et l’économie du pays, etc. Le reste viendra après, dont notamment le projet d’une nouvelle loi constitutionnelle, le projet de société approprié pour les Rwandais retrouvés, le profil des personnes devant mettre en œuvre ce projet de société ; etc.
- UN DIALOGUE INCLUSIF
A priori, tous les Rwandais intéressés devraient pouvoir participer à ce dialogue pour la refondation de l’Etat-Nation au Rwanda, à commencer par les Rwandais regroupés dans des associations politiques et autres. Cependant, les Rwandais ayant du sang de leurs compatriotes sur les mains, dont certains sont des criminels notoires cités dans de nombreux rapports devraient, question de dignité et de bon sens, être écartés de ce dialogue car, ils doivent d’abord répondre de leurs actes devant la justice. Sur ce point, il importe de souligner que le dialogue pour la refondation de l’Etat-nation au Rwanda doit se faire dans la sincérité, la vérité, la justice et la paix retrouvées.
Pareillement, devraient être écartés de ce dialogue, les Rwandais apparentés ou membres de « l’Internationale TUTSI », une organisation clandestine créée par le FPR, selon laquelle tout TUTSI rwandophone – dont les Tutsi citoyens du Burundi, de la RDC, de l’Uganda, de la Tanzanie et même du Kenya – pour ne citer que ceux-là, serait, ipso facto, de nationalité Rwandaise.
Certes, ce ne sera pas facile car, le FPR/RDF fera tout pour camoufler l’existence de cette « internationale Tutsi » qui est comme une pieuvre savamment conçue par le noyau dur des Tutsi suprémaciste du Rwanda. Leur objectif est, non seulement de compenser la démographie peu représentative des Tutsi au Rwanda et dans les pays voisins ; mais aussi le FPR/RDF tire des tentacules de cette organisation appelée « Internationale Tutsi » toute sa force de rayonnement, de visibilité à l’étranger, ainsi que sa puissance de nuisance, d’infiltration, de déstabilisation et de menace contre les opposants au régime de Kigali, sans oublier le pillage et l’infiltration de plusieurs pays dont notamment les pays frontaliers du Rwanda.
La preuve que cette Internationale Tutsi existe et qu’elle est à l’œuvre, c’est que des milliers de Tutsi citoyens des pays frontaliers et même du Kenya, membres de cette organisation clandestine, possèdent des passeports rwandais, ce qui n’est pas le cas pour les Hutu rwandophones qui, naturellement, ne peuvent pas prétendre à la nationalité rwandaise, encore moins participer au dialogue de refondation de l’Etat-nation au Rwanda !
Pour avoir été abusés et manipulés par une clique d’extrémistes suprémacistes Tutsi du FPR qui les ont fait croire que le Rwanda est un TUTSILAND, les membres de cette Internationale Tutsi originaires des pays limitrophes du Rwanda, devraient plutôt s’en prendre à ceux qui les ont induits en erreur et ainsi ouvrir les yeux pour se rendre compte que le Rwanda est un pays souverain où cohabitent, depuis des siècles, trois groupes sociaux : HUTU, TUTSI et TWA. Prétendre le contraire, c’est laisser la porte ouverte à la déstabilisation du Rwanda et des pays de la sous-région des Grands Lacs africains ; ce qui est un danger majeur pour tous les peuples de la Région et même pour toute l’Afrique sub-saharienne. Pour cela, le dialogue pour la refondation de l’Etat-nation au Rwanda devrait aussi intéresser ses voisins.
Bref, ce chantier sur le dialogue en vue de la mise en place d’un cadre approprié pour le vivre-ensemble viable, durable, équitable et constructif entre les Rwandais est une nouvelle chance offerte aux Rwandais pour tirer les leçons des erreurs et des crimes commis depuis plusieurs siècles. Et si le Rwanda d’aujourd’hui est, plus que par le passé, un pays qui, au lieu de rassembler ses citoyens, les persécute, les tue et les contraint à l’exil, c’est certainement parce que les différents systèmes de gouvernement que le pays a connus ont tous échoué à cette mission. Il y a nécessité d’une remise en question, pour voir comment partir sur de nouvelles bases. En cela, la duplicité, les tricheries, la fourberie, l’esprit partisan, les préjugés et la recherche de raccourcis faciles, sont à proscrire.
Juin 2023
Emmanuel HABUMUREMYI
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