Rwanda : Etude sur les massacres commis en commune Ngenda au Bugesera
Massacres commis au Rwanda par le FPR-Inkotanyi d’avril 1994 à août 1997. Le cas de la Commune de Ngenda au Bugesera.
Depuis l’attaque du FPR-Inkotanyi le 1 octobre 1990, la population hutu a été massacrée systématiquement par l’APR, branche armée de la rébellion. Après le génocide baptisé « des Tutsi », ces militaires, appuyés par ceux qu’on surnommait les « caders », agents à tout faire du FPR, ont étendu ces actes génocidaires à travers tout le pays. Ils furent assistés également par quelques rescapés ainsi que par des rapatriés en provenance d’exil en Uganda, Burundi, Tanzanie, Congo (ex-Zaïre). Dans notre étude, nous nous sommes limités à la région du Bugesera peuplée des Tutsi naguère victimes des troubles post-indépendance dans les années 60.
Objectif de notre étude.
Nous avons voulu étudier sur terrain ce qu’a été la réaction des Tutsi après le génocide par de-là le discours officiel de la réconciliation qui couvre cette page sombre de l’histoire du Rwanda. La région du BUGESERA nous sert d’échantillon, tandis que les résultats de l’étude feront fonction de miroir reflétant l’état des relations entre Hutu et Tutsi dans le reste du Rwanda après une guerre de 4 ans et un génocide. Il est juste de rappeler l’autre face de la médaille que constitue le génocide des Tutsi. De ce dernier, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha en Tanzanie, ainsi que les juridictions rwandaises s’en occupent largement. Par contre, on observe un silence ponctué par quelques révélations quant à ce qui touche aux crimes commis par le FPR.
Notre travail ne couvre qu’une infime partie des crimes au compte du FPR, crimes qui, analysés à la lumière des preuves recueillies et du droit international, répondent aux critères de génocide et crimes contre l’humanité. L’essentiel n’est pas d’inventorier toutes les victimes possibles, mais de mettre à la lumière l’autre face du conflit rwandais que certaines voix voudraient condamner au silence et à l’oubli, surtout de la part des dirigeants rwandais actuels et de leurs mentors internationaux.
Par ailleurs, il est moralement condamnable que l’opinion et la conscience internationales s’investissent à débusquer et condamner certains criminels ; et qu’en même temps elles déroulent le tapis rouge pour d’autres dirigeants dans le cadre de la de la realpolitik qui fait semblant d’ignorer la nature criminelle de leurs régimes.
Données préalables.
Les cas de massacres qui ont attiré notre attention ont en commun certains facteurs. Ils ont été supervisés par les autorités civiles et militaires. Certains cas de tueries ont eu lieu dans des camps militaires ou aux bureaux des secteurs et des communes. Ils ne sont donc pas à prendre pour des cas isolés.
Les victimes ont été massacrées, jetées vivantes dans des latrines, dans des rivières (Akanyaru, Akagera) et des lacs, ainsi que dans la grotte historiquement connue sous le nom de « Urwobo rwa Bayanga » située dans le camp militaire de Gako à la frontière avec le Burundi.
Personne ne saura le nombre exact de ceux qui ont péri durant cette période, étant donné que certaines familles ont été exterminées sans laisser de survivant. Par ailleurs, des témoins gênants de ces massacres ont été éliminés. Ainsi, notre étude recense seulement certaines victimes, les autres resteront dans l’oubli.
Aire d’investigation.
Notre zone d’investigation se limite à la seule commune de Ngenda, une des trois qui formaient la région du Bugesera au sud de Kigali. Cependant, nos investigations nous ont permis de recueillir certaines informations aléatoires. Ainsi disposons-nous, par l’intermédiaire de nos informateurs, des listes de certaines victimes du FPR à Byumba, Kibungo, le reste du Bugesera, Butare et une partie de Gitarama, ainsi que celles des communes de Bicumbi, Gikoro, Gikomero, Mugambazi, Rutongo, Kanombe, et Butamwa. Nous en avons recueilli de Nyange, de Birambo et d’une partie de Gikongoro. Ceci nous a motivé à élargir les horizons. Actuellement, nos informateurs sont attelés aux recherches dans le nord du pays pour inventorier les victimes de la période 1997-1999 dans la guerre dite des infiltrés ou abacengenzi.
Limites de notre travail.
Malgré nos efforts, nous ne comptons pas inventorier toutes les victimes car les tueries étaient éparpillées. Certaines se sont effectuées pendant la nuit dans les cachots contrôlés seulement par les militaires rompus aux méthodes de massacres en secret. Un autre handicap vient du fait que les massacres n’épargnaient pas même les enfants en bas âge. N’étant pas encore insérés dans le circuit de la vie sociale, leur identification reste problématique. Il faut encore noter que la population encore dominée par la terreur préfère souvent se taire plutôt que de s’exposer aux représailles par des révélations que le régime en place qualifie d’idéologie du génocide. En effet, les services secrets du FPR, dans le but d’enterrer définitivement toute révélation de ces crimes passés, recourt à l’élimination physique de tout témoin éventuel.
Méthodologie de travail.
Pour cette étude, nous avons disposé de dix informateurs installés sur terrain et menant des recherches pendant 5 ans, de juin 2003 à juin 2008. Nous avons préféré la discrétion pour raison de sécurité. La vérification de l’identité des victimes se faisait auprès des familiers et des voisins rescapés. Comme responsable et coordinatrice du projet, j’ai visité le Rwanda trois fois. Munie d’un visa touriste, j’y ai passé au total 87 jours. Malgré toutes ces précautions, nous déplorons l’emprisonnement de 6 de nos collaborateurs accusés faussement de semer des troubles par le seul fait de s’informer informellement sur les victimes supposées du FPR.
Je dois reconnaître aussi deux cas d’infiltration de notre groupe par des agents secrets du FPR qui ont failli nous coûter la vie. Pour y parier, j’ai dû changer de méthode en établissant un contact individualisé avec chaque agent et en évitant qu’ils ne se connaissent entre eux. Pour le même besoin de sécurité, dans notre étude, nous gardons l’anonymat des survivants et des responsables directs des tueries pour éviter l’élimination des témoins survivants. Pour les survivants vivant encore au Rwanda, nous les nommons par les initiaux de leurs noms. Pour les victimes, nous identifions la date, le lieu ainsi que les circonstances de leur mort.
Remerciements.
Nous remercions beaucoup nos informateurs pour ce travail à haut risque. Nous n’oublions pas de remercier quelques militaires du FPR et quelques rescapés tutsi qui ont accepté de nous donner des témoignages de première main sur les hauts responsables qui donnaient les ordres desdits massacres. Mon grand remerciement va à une pauvre femme qui m’a confié personnellement que son mari s’était distingué dans ces massacres, mais qu’elle ne pouvait rien faire pour l’en empêcher. Elle le considère assassin en liberté, lui reste homme de confiance du FPR. A entendre cette femme, il semblerait que ces crimes lui aient laissé des séquelles psychologiques.
Les résultats de notre recherche.
Victimes | Secteurs | Date | Auteurs et Remarques |
1.Ntihabose Cyriaque (enseignant) | Nziranziza | Mai 94 | Tué par des militaires en fuyant leurs poursuites. |
2. Munyaringoga et son épouse | Nziranziza/Nyamirama | Mai 94 | Enterrés vivants après les tortures par les militaires et des rescapés qui venaient du Centre de Ruhuha. |
3. Marie, épouse de Sebahire | Shyara/Kamweru | Mai 94 | Violée et après, enterrée vivante |
4. Rugayabahunga | Gakomeye/Kabere | Mai 94 | Tué après avoir subi des tortures |
5.Mujyambere Claude | Ruhuha/Ruramba | Mai 94 | Brûlé dans de l’huile |
6.Kayonga Elie | Gakomeye | Mai 94 | Castré et enterré vivant |
7.Famille Sekamonyo Faustin (30 personnes) ancien inspecteur d’arrondissement de Kigali | Réfugiés à Ruhuha | Mai 94 | Tuées par les militaires à la paroisse catholique de Ruhuha. Enterrés dans la fosse commune au jardin des prêtres. Sa femme tutsi et ses filles ont été violées par les militaires présents |
8. Ndikumana Sisien et son épouse (enseignant) | Nyakayaga | Juin 94 | Son épouse tutsi refuse de livrer son mari. Violée, torturée et mutilée par des militaires qui lui ot coupé les organes génitaux et les seins, elle a été enterrée vivante |
9. Seneza | Nyarugenge/Kabakemba | Juin 94 | Tué par balle |
10.Bakanirora | Nyarugenge/Kabakemba | Idem | Tué par balle |
11.Bugabo Jean de Dieu | Burenge | Juin 94 | Tué par des rescapés et des rapatriés en provenance du Burundi |
12.Mudaheranwa Anastase | Burenge | Juin 94 | Idem |
13.Rwamuhizi | Burenge | Juin 94 | Idem |
14. 7 fils de la famille de VG: Mukanshuti, Amina, Nibagwire, Musabyimana, Mukandamutsa, Mukarwenda, Karyango | Rutonde | Juin 94 | Torturés et tués par les militaires accompagnés par des rapatriés en provenance du Burundi. Les filles y compris celles de moins de 12 ans ont été violées avant d’être massacrées par « agafuni ». |
15. 4 filles de K : Mukamana Thérèse, Imunderere Josepha, Uwamungu Brigitte, N.ngirimana Clémentine | Rutonde | Juin 94 | Enlevées par les militaires, violées et jetées vivantes dans lac Cyohoha sud |
16. 6 fils de MA : Uzamushaka marie ; Nkurunziza Théogène, N.habineza Berna, Jean Paul, Hilaria, Janvière | Rutonde | Juin 94 | Les filles, après être violées, ont été lapidées ensemble avec leurs frères qui ont été torturés. |
17. 3 fils de MD : Ntirushwa Justin, Uwamahoro, Mabeyi | Rutonde | Juin 94 | Ligotés et achevés par à coups d’ « agafuni » |
18. 4 fils de Ngirumpatse Cosma : Bukuru, Butoya, Kabagabirwa, Mukahirwa | Rutonde | Juin 94 | Les filles ont été violées, décapitées, puis mises en morceaux. Leurs frères sont obligés de manger crue la chair de leurs sœurs. Après ils ont été exécutés. |
19. 4 fils de SK : Donatile, Twagirayezu, Bernard, Musonera, | Rutonde | Juin 94 | Ligotés et jetés dans les eaux du lac Cyohoha |
20. 4 fils de Bahizi : Marie, Camukuru ; Mabeyi, N.bagenzi | Rutonde | Juin 94 | Ligotés et décapités |
21. 3 fils de Senzoga : Marie, Niyonsaba, Fabien | Rutonde | Juin 94 | Idem |
22.Kagarara et tous les déplacés qui dormaient dans un camp à Ngoma (plus de 3000 personnes, enfants, vieillard, femmes enceintes) | Nyarugenge | Juin 94 | Chargés dans les camions ayant des pancartes du HCR pour les tromper, conduits et tués au camp militaire de Gako. Les filles et les femmes ont été violées. Certains n’ont été brûlés, d’autres ont été jetés vivants ou morts dans l’ «Urwobo rwa Bayanga» |
23.Kamerano Léopord | Nziranziza | Juil. 94 | Capturé par des militaires et des rescapés de Ruhuha et par ceux qui venaient de Busoro. Tortuté et enterré . |
24.Ntakirutinka | Nziranziza | Juil. 94 | idem |
25.Nteziryayo Daniel | Nziranziza | Juil. 94 | Idem |
26.Véronique, épouse de Rwabukwandi | Nziranziza/ Kagarama | Juil. 94 | Violée en série par les militaires et lapidée |
27.Kabahizi et son épouse | Nziranziza/ Kagarama | Juil. 94 | Violée par les militaires devant son mari. Enterrés vivants |
28.Fils de Nyamunanira | Nziranziza / Ruli | Juil.94 | Décapité |
29. Rwabutare | Gakomeye | Juil. 94 | Brûlé dans de l’huile |
30. Nzirorera (malade mental) | Gakomeye | Juil.94 | Brulé dans de l’huile |
31.Nyakarundi Emmanuel (police communale) | Mareba | Juil. 94 | Lapidé par des rescapés et des militaires |
32.David et ses 5 compagnons Tutsi) | Shyara /Rwamanyoni | Juil. 94 | Décapités par des militaires car ils cachaient des Hutu et ils les informaient pour se cacher ou échapper |
33.Jerôme Habyarimanan catéchiste à la paroisse catholique de Ruhuha, son fils et son épouse | Gakomeye | Juil. 94 | Son épouse violée par une série des militaires. Enterrés vivants dans leur parcelle. |
34.Maniraruta Emmanuel | Nziranziza | Juil. 94 | Châtré et enterré vivant. |
35.Ngirumpatse Laurent | Ruhuha/ Butereri | Juil. 94 | Tué par des rescapés à coups d’ « agafuni » |
36.Rwabagabo Esdras | Burenge | Juil. 94 | Ligoté et tué par des coups d’ « agafuni » |
37.Nyabuhinja Mathieu | Burenge | Juil. 94 | Idem |
38.Kayibanda | Burenge | Juil. 94 | Idem |
39.Fatilisigaye François | Burenge | Juil. 94 | Idem |
40.Mutetiwabo | Burenge | Juil. 94 | Violée par 3 militaires |
41.2.fils de NS : Niyoshima et Nkulikiyimana | Rutonde | Juil. 94 | Tués décapités |
42. 2 fils de Béatrice : Sindikubwabo et Nkulikiyimana | Kavumu | Juil. 94 | Tués par les militaires qui avaient d’abord violé leur maman devant leurs yeux. |
43.Mbarubukeye Damien | Nziranziza/Nyabaguma | Août 94 | Torturé et décapité par des militaires et des rescapés à Rwakibilizi |
44.Mahenda Vedaste | Nziranziza/Nyabaguma | Août 94 | Idem |
45. Zigira Innocent | Nziranziza/ Nyabaguma | Août 94 | Idem |
46.Sehorana Emmanuel | Nziranziza / Nyamirama | Août 94 | Idem |
47.Ndamijuwimwe Jean de Dieu | Shyara / Ruhanga | Août 94 | Torturé, puis fusillé |
48.Emmanuel, fils de M. qui fut conseiller communal | Shyara / Kamweru | Août 94 | Ligoté et tué à coups de marteau |
49.Habyarimana Vénuste | Ruhuha /Rugarama | Août 94 | Tué par des militaires et des rescapés qui pillaient ses biens |
50.Kanyundo Fébronie | Ruhuha/ Rugarama | Août 94 | Violée par des militaires et décapitée |
51. Iyamuremye | Burenge | Août 94 | Torturé et décapité |
52. 2 filles de NC : Nishyirimbere Josepha et Mushimiyimana Berna | Rutonde | Août 94 | Violées puis décapitées par des militaires |
53.Mpayimana Marc (enseignant) | Ruhuha | Oct.94 | Torturé et enterré vivant |
54.Fils de Kageruka et ses 7 compagnons | Shyara | Nov. 94 | Ligotés et tués à coups de bâtons par des rescapés et des militaires |
55.Ntawemvurira et son fils | Nziranziza / Nyamirama | Déc. 94 | Ligotés et lapidés |
56.Kayibanda Théoneste, son épouse et son veilleur | Gakomeye | Janv. 95 | Sa femme violée en public ; Théoneste et son veilleur ligotés et lapidés |
57.Ngasabyimana Thérèse | Gakomeye / Rusagara | Janv. 95 | Violée et enterrée vivante |
58.Mujawimana Marie Rose | Gakomeye / Rusagara | Janv. 95 | Idem |
59.Mweneyezu Marie Goretti | Gakomeye / Rusagara | Janv. 95 | Idem |
60.Nyinawamariya Agnès et sa mère | Gakomeye / Rusagara | Janv. 95 | Violées et lapidées |
61.Gisoro Alfred | Ruhuha / Butereri | Janv. 95 | Brûlé dans de l’huile |
62.Spérantie | Ruhuha / Butereri | Janv. 95 | Violée par une série des jeunes rescapés de Ruhuha en présence des militaires |
63.Epaphrodite | Ruhuha / Butereri | Janv. 95 | Brûlé dans de l’huille |
64.Leostaque | Ruhuha / Butereri | Janv. 95 | Idem |
65.Mwunguzi Narcisse | Burenge | Janv. 95 | Ligoté et lapidé |
66.Sebahire Vincent | Nziranziza / Kagarama | Mars 95 | Les yeux crevés et lapidé |
67.Ruhananirindi Siméon | Ruhuha /Rugarama | Mars 95 | Torturé et décapité |
68.Ndagijimana Pascal | Nyarugenge | 31 août 95 | Torturé et enterré vivant par des militaires |
69.Nyandwi François et son voisin | Nyarugenge | idem | Idem |
70.Bigiringoma Patrice | Burenge | Janv. 96 | Torturé et enterré vivant |
71.Kalikunzira J. P. | Burenge | Janv. 96 | Lapidé |
72.Mutabazi | Burenge | Janv. 96 | Lapidé |
73.Rwamihigo | Burenge | Janv. 96 | Lapidé |
74.Ntiyamira Pierre | Burenge | Janv. 96 | Lapidé |
75. Binanga | Burenge | Janv. 96 | Lapidé |
76.Mutaganira Elysée | Nziranziza / Gakoni | 25/7/97 | Fusillé par des militaires à Nyamirama |
77.Sebarame Zacharie | Nziranziza / Rutebe | 25/7/97 | Torturé par des militaires dans l’enclos d’une vieille connue sous le nom de Nyirakazihamagarira, conduit et tué par coups après au bureau communal de Ngenda |
78.Nyilingango Gaspard | Nziranziza | 25/7/97 | Idem |
79.Nyilinshuti Jasson | Nziranziza /Rutebe | 25/7/97 | Idem |
80.Nzamurambaho Zacharie | Nziranziza / Ruli | 25/7/97 | Idem |
81.Semakwavu | Nziranziza / Nyabaguma | 25/7/97 | Idem |
82.Twagirayezu | Nziranziza/ Rutebe | Août 97 | Fusillé par des militaires au bureau de secteur Nziranziza |
83.Murara Edouard | Nziranziza / Gahosha | Août 97 | Idem |
84.Muhizi | Burenge | Sept. 97 | Les yeux crevés et brûlé |
85.Migabo Mathieu | Burenge | Sept. 97 | Idem |
Conclusion et recommandations.
Par ce tableau, nous avons voulu donner la parole aux victimes pour qu’elles ne tombent pas dans l’oubli. N’oubliez jamais vos victimes, c’étaient vos enfants, cousins, parents, époux ou épouses, amis, voisins, condisciples ou compagnons d’équipes, groupes ou tout simplement votre génération. Il faut se souvenir d’elles dans les assemblées spirituelles si vous êtes croyants. Un jour leur voix réclamera justice et nous sommes sûrs que leurs assassins seront traduits en justice avant qu’ils ne rendent compte de leurs actes devant le Créateur. Ils ont souffert toutes sortes de peines : fusillades, brûlures, viols, tueries à l’arme branche, (comme « agafuni », la machette, etc.). De grâce, ne pensez pas à les venger par les mêmes peines car seuls les esprits faibles imitent ce qu’ils ont vu. Au contraire réclamez la justice, ce sera le seul moyen d’honorer leur mémoire.
Ne perdez pas courage si cette justice tarde. Les retards, en effet, font partie du processus de l’action humaine. Dans l’attente de la justice, évitez le refus, la révolte, la haine, la vengeance, la colère, et l’indignation, car tout cela ne procure ni force, ni joie de vivre.
Ne soyez pas toujours victimes. Restez sauveteurs dans le triangle dramatique de Karpman, sauveteurs de soi et des autres. (Le Triangle dramatique, dit aussi Triangle de Karpman, est une figure d’analyse transactionnelle proposée par Stephen Karpman en 1968 qui met en évidence un scénario relationnel typique entre Victime, Persécuteur et Sauveur (ces rôles étant symboliques, une même personne peut changer de rôle).
Parmi ces victimes, il y a des martyrs tutsi tués parce qu’ils ne voulaient pas être complices. Les femmes tutsi qui ne voulaient pas abandonner leurs maris hutu etc. Les 6 tutsi de Shyara tués parce qu’ils cachaient les Hutu sont pour tous les Rwandais signes d’espoir d’une cohabitation fraternelle mais qui demande un préalable de justice.
Nous avons gardé l’anonymat des bourreaux. Nous dirons leurs noms en cas de besoin, mais ils sont souvent connus du public. Par ailleurs, certains se vantent publiquement de ces massacres confessant qu’ils les répéteraient au besoin. Ceux qui étaient présents à la réunion qui s’est déroulée devant le bureau de la commune Ngenda en 2003 se souviennent du discours indigne du général IBINGIRA qui racontait qu’il ne regrettait rien de ce qu’il avait fait et qu’il poursuivait les coupables et les génocidaires. Il ne se rendait pas compte que la majorité de ses victimes identifiées dans ce travail n’ont vu le fusil que le jour de leur mort.
Maryline Hermans
Doctorant en Criminologie
Université de Rotterdam
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